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ObsolèteS

Qui n’est plus utilisé, qui n’a plus cours. L’obsolescence est le fait pour un produit d’être dépassé, et donc de perdre une partie de sa valeur en raison de la seule évolution technique, même s'il est en parfait état de fonctionnement

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Mise en scène : Olivia David-Thomas, Fabien Thomas

Avec : Olivia David-Thomas, Catherine Fornal, Martine Girol, Martin Lardé, Fabien Thomas

Production : cie A demain j'espère, cie Gravitation

Coproductions : l’Abattoir CNAREP de Chalon/Saône//Animakt, lieu de fabrique pour les arts de la rue, de la piste, et d’ailleurs// l’Atelline, lieu d’activation arts et espace public//La Vache qui Rue, lieu de fabrique pour artistes de rue

Avec les soutiens du Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté, du Conseil Départemental du Doubs et de la ville de Besançon

Puisque nous respectons l'adage qui dit que notre travail, ce sont les autres qui en parlent le mieux voici un article paru au théâtre du blog.

« On lâche rien ! » entonnent Alexis HK et les Saltimbanks. Une enceinte pourrie crache le fameux air des manifs. Difficile dans ce gloubi-boulga globalisé qu’est devenu notre monde de croire encore la lutte possible. Quel discours tenir? Quelle forme, la résistance pourrait-elle revêtir?  Les comédiens cherchent des solutions. Issus de la compagnie Gravitation/ A demain, j’espère, ils sont deux hommes et trois femmes à avoir fondé ce nouveau collectif théâtral. Bien décidés à en conserver l’esprit participatif, ils poursuivent leurs rêves de lendemains qui chantent, comme en témoigne leur nom, A demain, j’espère, inspiré de la dernier réplique du film de Chris Marker tourné en 1967 à la Rodiacéta de Besançon.
 

Cette œuvre avait provoqué la naissance du groupe Medvedkine, avec des ouvriers qui, épaulés par le cinéaste, avaient osé filmer leurs conditions de travail et diffuser leurs propres réalisations.
 

La phrase A bientôt, j’espère, lancée face caméra, déclarait la guerre au patronat. Le ton est donné! On l’aura compris, ici, pas de dominant (enfin… on essaie !). Dans la lignée des mouvements des années soixante donc, mais aussi de l’éducation populaire, d’associations comme ATTAC ou des rassemblements type Nuit Debout, on s’intéresse au cheminement et à l’efficacité de la pensée collective. En ligne de mire, le public : s’interroger sur sa place et sa participation, s’adresser au plus grand nombre, recréer une agora qui permette d’échanger et de penser ensemble.

 

Le festival Salins-sur-Scènes, niché dans un écrin de collines jurassiennes et organisé par les Urbaindigènes, une troupe de théâtre de rue acrobatique, offre un cadre idéal, bucolique et familial, à cette toute fraîche création. Sur une placette, dans les hauteurs de la ville, une réunion publique peine à débuter. Vraie consultation ou mystification ? Des gradins en bois et en hémicycle font face à une grande tablée que reconnaîtront tous les habitués des lieux alternatifs : gobelets en plastique, mauvaise bière, rouleau de scotch, cartons de récupération, paquet de confiseries au soja bio, impatience des participants qui tirent à qui mieux-mieux sur leur cigarette électronique. L’installation progressive feint l’à-peu-près et brise le quatrième mur, en sollicitant directement les spectateurs.

Les derniers bancs sont installés à vue et la charte affichée. 1. La parole est libre. 2 . Tout le monde peut ajouter un point à la charte. 3. Si tout le monde s’y met, personne ne se fatigue… Et c’est parti pour la réunion ! Esthétique vériste à mourir de rire : vrais prénoms des comédiens, recherche d’un nom à donner au mouvement, avec vote épique, inévitable coupage de cheveux en quatre, crises de nerfs…

 

Les tics langagiers et gestuels des altermondialistes et autres militants sont à la fête. Tout ici est millimétré pour qu’on y croie, jusqu’aux larsens. Du faux improvisé et du théâtre pauvre comme aiment à feindre le pratiquer Les Chiens de Navarre ou d’autres compagnies de théâtre de rue. Le sujet : l’obsolescence des choses et des êtres. Ou comment lutter contre le grand capital qui bouffe la planète et nos énergies individuelles. On taira les superbes trouvailles de la troupe jamais à court de séquences pédagogiques pour relancer le débat. Mais on peut vous assurer que « c’est hyper fort », comme dirait un des personnages caricaturaux, et pourtant si pertinents, de cette fine équipe. On y vulgarise du Bourdieu et Le Monde Diplo de l’année dernière pour réfléchir au système libéral qui rend nos vies si pathétiques.

 

Ce spectacle, jusque dans son humilité et son ironie, paraît révélateur du découragement des citoyens et des milieux artistiques : condamnés à toujours chercher comment dire la nécessité de comprendre les migrants, de sauver notre environnement, de lutter contre le cynisme du pouvoir et les multinationales qui nous détruisent littéralement.
 

Les mots semblent usés, les sonnettes d’alarme tirées depuis si longtemps… A quoi bon agir ? Et pourtant! Avec ce dispositif auto-réflexif et drolatique, ObsolèteS tape là où ça fait mal  et où résident encore les possibles. Très attachants, pas démagos (de nombreuses scènes bien saignantes rendent le public hilare !), interrogeant jusqu’à la peine de mort pour les patrons du CAC 40, les cinq acteurs se montrent nos compagnons d’infortune. Traversés par des doutes, névroses, mauvais sentiments, et bonnes intentions, ils exhibent leur impuissance avec humanité. Les spectateurs sentent bien qu’ils sont vraiment convoqués… jusqu’à la surprise finale ! Le rythme varie au gré de sollicitations du public qui sont autant de prises de risques et d’ouvertures, parfois bancales ou décalées, forcément.

 

Le sketch sur la fameuse «part du colibri», quelle réussite ! Naïve volonté de faire au mieux, esthétique de bric et de broc, énergie fabuleuse et sincère… Il concentre tout l’esprit de la lutte écologique et du faux amateurisme de la compagnie qui aboutit, l’air de rien, à des réflexions très fines (les déboires de Pierre Rabhi ne sont jamais nommés, mais on y pense… Comme on sourit à l’écoute de Renaud: « On les a récupérés, oui, mais moi, on m’aura pas» !). Bien vu cette confiance en l’esprit critique du public ! Les comédiens en grande forme, mouillent le maillot dans des rôles criants de vérité. Voilà du vrai spectacle populaire, vivifiant et provocateur : un beau boulot collectif !

 

Stéphanie Ruffier in le « Théâtre du blog, en date du 3 octobre 2018 »

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