Cela fait quelques années que je dis vouloir faire un spectacle sur l’hôpital. Projet sans cesse reculé, pour raison de santé, pour raison covid, pour raison autres spectacles, pour raison trop dans l’actualité (éviter l’effet d’aubaine) …Peut-être la trouille de s’y mettre, de celle qu’on a lorsqu’on attend les résultats d’une prise de sang ou d’un scanner.
L’intérêt d’avoir attendu si longtemps, c’est que j’ai pu accumuler pas mal de matière.
Je pourrais dès à présent écrire ou convoquer les comédiens, commencer l’écriture de plateau. Je partirais de la mise en place de la t2a (tarification à l’activité) en 2004, en passant par la création des ARS (Agences régionales de santé) sous Bachelot. Je serais pédagogique, expliquant comment les gouvernements successifs ont travaillé au délabrement de l’hôpital public. Je convoquerais sans doute l’AGCS (Accord généralisé sur le commerce des Services). J’y mêlerais des expériences personnelles tout en cherchant une forme de théâtralité.
On verserait une petite larme pour ce pauvre personnel soignant à bout de force et en perte de sens, pour ces malades qui meurent faute de moyens…
Ça pourrait prendre la forme d’une visite, vous savez, comme le font ces médecins accompagnés de hordes d’étudiants qui prennent des notes pendant que leur tuteur égrène les pathologies dont sont atteints les patients surpris par une telle intrusion.
On tirerait un rideau, ouvrirait une porte donnant soit sur un espace de discours, soit sur un service d’urgence, soit sur un bureau ou une chambre…
Le fait est que cette matière, j’aimerais la mettre de côté afin de mener un vrai travail d’enquête, de rencontres, d’interviews, afin de créer aussi les conditions de la surprise.
En l’état le spectacle prendrait les allures de la tragédie, forme de « chronique d’une mort annoncée ». Nous avons toujours pensé que nous n’étions pas là pour enfoncer des portes ouvertes, pour dire au spectateur comment penser, comment bien penser. Nous n’avons pas les moyens de changer le monde et quand bien même les aurions nous, nous le changerions pour quoi ? Nous n’avons ni leçon ni message à délivrer.
Donner à voir la complexité de la société, jouer de nos paradoxes, donner des éléments de réflexion, créer du désir, de l’envie d’être ensemble, si on y arrive, c’est déjà pas mal. Toujours aussi peur du spectre de la pensée dogmatique.
Ceci étant dit, que savons-nous et que pouvons-nous avancer dès à présent ?
Il y aura à partir du mois de janvier et jusqu’à la fin de l’automne 2024 un travail d’enquête mené par Philippe Gobet (président de la Cie et brancardier à la retraite du CHU de Besançon) et moi-même (Fabien Thomas, membre de la Cie).
Philippe de par sa bonhomie et sa connaissance du milieu agit comme un accélérateur de rencontres.
Nous aurons besoin, comme souvent de tester notre dispositif avec du public, donc nous imaginons des sorties de résidences assez fréquentes, ce qui nous permettra par ailleurs d’associer nos partenaires à nos réflexions.
Spectacle prévu pour 2 comédiens et un danseur.
F.Thomas